Le Jasmin Grandiflorum, de l’Inde à Grasse, périple d’une fleur emblématique
Depuis un siècle et demi, le Jasmin Grandiflorum est cultivé sur le flanc des collines de Grasse, de Mouans-Sartoux, de Pegomas, d’Auribeau, de Vallauris, d’Opio, de Bar-sur-Loup, de Châteauneuf et dans le Pays de Fayence. Les savoir-faire propres à la culture de cette essence indispensable à la parfumerie ont pu être préservés grâce à la passion et la persévérance d’agriculteurs à l’image de Constant Vial, Hubert et Carole Biancalana. Depuis 2009, plusieurs producteurs de plantes à parfum de la région se sont regroupés sous l’égide de l’Association Fleurs d’Exception du Pays de Grasse, aujourd’hui présidée par Armelle Janody, productrice à Callian, pour permettre à des producteurs d’en vivre et continuer le déploiement de ces joyaux.
Mais comment ce jasmin, originaire des montagnes du nord-ouest de l’Inde, est-il parvenu jusqu’en Provence ? Au cours de l’Antiquité, son aire d’acclimatation s’étend progressivement sur le pourtour oriental de la Méditerranée, notamment en Egypte qui devient le foyer d’approvisionnement privilégié des Grecs et des Romains. Ce n’est qu’à la Renaissance qu’il est implanté en France. À partir du xvie siècle, le jasmin fait l’objet de toutes les attentions de la part des producteurs. Ses notes olfactives sont particulièrement appréciées des parfumeurs qui en incorporent l’essence dans un grand nombre de parfums. Au cours du xixe et du xxe siècle, le jasmin devient, au même titre que la fleur d’oranger ou la rose, un des emblèmes de Grasse. Bien que les plantations du bassin grassois aient progressivement diminué au cours de la seconde moitié du xxe siècle, la région produit toujours, à destination de Maisons prestigieuses, le jasminum grandiflorum.
En 1881, H. Stappaerts, dans son ouvrage Examen du système de S.Hahneman – Le spiritualisme et le matérialisme en Médecine, rapporte cette légende romantique du XVIe siècle. C’est à l’amour qu’on doit l’introduction du jasmin en Italie puis en France :
« On raconte qu’avant d’arriver dans nos jardins, le jasmin séjourna en Italie. Un duc de Toscane – l’histoire ne dit pas son nom – en fut le premier possesseur. Amateur égoïste de fleurs, il voulut jouir seul d’une fleur aussi parfaite. Jaloux de son trésor, il défendit à son jardinier d’en donner une seule tige, voire une seule fleur. Le jardinier eût été fidèle s’il n’eût été amoureux ; mais le jour de la fête de sa bien-aimée, il lui offrit un bouquet, et pour le rendre plus précieux, il l’orna d’une branche de jasmin. La jeune fille, pour conserver la fraîcheur de cette fleur si rare, la mit dans la terre fraîche ; la branche resta verte toute l’année, et le printemps suivant on la vit croître et se couvrir de fleurs. La jeune fille cultiva son jasmin et le multiplia, grâce aux conseils de son amant. Elle était pauvre, il n’était pas riche ; la prévoyance de sa mère s’opposait à son union ; mais elle fut vaincue : l’amour venait de faire un miracle pour eux. La jeune fille vendit ses fleurs, et si bien, qu’elle ramassa un petit trésor qui permit à sa mère de consentir à l’union rêvée ».
Photo : Cueillette du Jasmin, Grasse début XXe, © Collections MIP