l’histoire de la parfumerie de Grasse
Grasse, de l’activité marchande à l’ère de l’artisanat et du parfum
Grasse, ville marchande influente au Moyen Âge, a évolué progressivement vers son rôle emblématique dans l’industrie de la parfumerie. À ses débuts, l’économie de Grasse reposait sur le commerce de la laine et du cuir, mais c’est l’invention des gants parfumés qui a marqué un tournant décisif et initié l’histoire de la parfumerie de Grasse. Cette innovation, destinée à dissimuler les odeurs des cuirs traités, a rapidement acquis une grande popularité auprès des élites européennes, établissant ainsi les premières bases de l’identité olfactive de Grasse.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, alors que la demande en parfums de qualité augmentait considérablement, Grasse s’est appuyée sur son climat méditerranéen pour cultiver des fleurs comme le jasmin, la rose et la lavande, devenues des piliers de l’industrie. Cette richesse florale, combinée à l’expertise de ses artisans et à la création de corporations dédiées, a transformé la ville en un centre mondial de la parfumerie. Aujourd’hui, Grasse reste un symbole incontournable de l’excellence dans cet art séculaire.
« Toute l’expérience acquise s’avère le moment venu, utile, pour donner une plus grande ampleur au commerce de la parfumerie. »

L’histoire de la parfumerie à Grasse s’enracine profondément dans ses traditions artisanales, notamment grâce à son lien unique avec les métiers du cuir. Dès le XVIe siècle, les artisans grassois se sont illustrés par leur maîtrise dans la confection de gants parfumés, une innovation à la croisée de l’art et de l’utilité. À une époque où le cuir, bien que précieux, dégageait des odeurs peu agréables, le savoir-faire des gantiers a permis de créer un produit de luxe capable de séduire les élites européennes. Ces « gants parfumés » n’étaient pas seulement des accessoires de mode, mais aussi une véritable révolution dans l’art de vivre, positionnant Grasse comme un acteur incontournable des échanges olfactifs et du raffinement.
Parallèlement, la recherche de nouvelles matières premières pour la fabrication du tan a joué un rôle déterminant dans l’émergence de la parfumerie grassoise. Face à la pénurie d’écorce de chêne vert, traditionnellement utilisée pour tanner les grandes peaux, les artisans locaux ont exploré des alternatives végétales telles que le myrte et le lentisque. Ces plantes, prisées non seulement pour leurs propriétés tanniques, mais également pour leurs arômes délicats, ont contribué à rapprocher les tanneurs et les parfumeurs. Ainsi, en capitalisant sur ces ressources naturelles et en développant une expertise unique, Grasse a su transformer une contrainte en une opportunité, ouvrant la voie à son rôle futur de capitale mondiale de la parfumerie.

Les moulins à huile, autrefois omniprésents à Grasse, ont joué un rôle fondateur dans l’émergence des premières industries de parfumerie de la région. Si, à l’origine, ces moulins étaient majoritairement dédiés à la mouture des céréales, leur vocation a évolué au fil des siècles, se concentrant de plus en plus sur la production d’huile d’olive. Cette huile, essentielle pour l’alimentation mais également utilisée dans la fabrication de savons, a permis à Grasse de se distinguer. En effet, au XVIIIe siècle, alors que les savonneries des villes voisines déclinaient, celles de Grasse prospéraient, affirmant la ville comme un centre régional d’innovation artisanale.
Au-delà de leur contribution à l’oléiculture, ces moulins sont devenus un élément clé dans le développement des techniques d’extraction pour la parfumerie. L’huile d’olive, grâce à sa pureté et sa légèreté, était utilisée dans le procédé d’enfleurage, une méthode permettant de capturer les arômes délicats des fleurs locales comme le jasmin ou la tubéreuse. De plus, avant l’ère des machines à vapeur, ces installations mécaniques servaient également à traiter d’autres matières premières, telles que les racines ou les écorces odorantes, essentielles à la création des parfums. En associant ainsi savoir-faire agricole et innovation technique, Grasse a su tirer parti de ses ressources naturelles pour bâtir les fondations d’une industrie qui allait marquer son histoire et son identité mondiale.
Les moulins à huile ont occupé une place déterminante dans l’essor économique et artisanal de Grasse jusqu’au milieu du XIXe siècle. Initialement conçus pour moudre des céréales, ces équipements se sont progressivement orientés vers la production d’huile d’olive, un produit essentiel à la fois pour l’alimentation et pour des applications industrielles. Les savonneries locales, qui dépendaient de cette huile dite « à ressence », ont prospéré, atteignant leur apogée à une époque où les ateliers similaires des villes voisines s’effondraient. Cette synergie entre agriculture et artisanat a permis à Grasse de renforcer son tissu économique tout en créant les bases d’un savoir-faire durable.
Cependant, c’est dans le domaine naissant de la parfumerie que ces ressources et techniques ont trouvé une résonance particulière. L’huile d’olive, par son rôle central dans le procédé d’enfleurage à froid, permettait de capturer la délicatesse des arômes floraux qui abondent dans la région. Les moulins, quant à eux, étaient employés pour broyer les matières premières odorantes, telles que les racines et les écorces, ou encore pour traiter les linges imprégnés d’huiles parfumées. Ce mariage entre innovation mécanique et richesse botanique a donné à Grasse une avance significative dans le domaine des fragrances, et ce savoir-faire unique continue de rayonner à l’échelle mondiale.
Les temps modernes…
Les premières usines
À partir du milieu du XIXe siècle, Grasse entre dans une nouvelle ère avec l’émergence des premières usines dédiées à la parfumerie. Ce développement marque un tournant décisif dans l’histoire de la ville, porté par des avancées technologiques majeures. L’introduction de la distillation par injection de vapeur et du lavage alcoolique des pommades et huiles parfumées, facilitée par l’adoption des machines et chaudières à vapeur, transforme profondément le métier. Les parfumeurs grassois, autrefois grossistes en produits finis, deviennent les producteurs d’extraits concentrés destinés à la composition des parfums, posant ainsi les bases de l’industrie moderne. Entre 1860 et 1910, pas moins de quinze usines voient le jour, redessinant le paysage urbain et affirmant la cité comme « la ville des parfumeries », un symbole de son identité florissante.
Parallèlement, l’art délicat de l’enfleurage à froid sur graisse, bien que demeurant partiellement manuel, mobilise un grand nombre de travailleuses. Ces journalières, essentielles au succès du procédé, déposent méticuleusement chaque fleur sur des châssis d’enfleurage, perpétuant ainsi un savoir-faire artisanal au sein de l’industrialisation naissante. Ce métier, exigeant et minutieux, accompagne l’essor spectaculaire du secteur de la parfumerie à la fin du XIXe siècle. L’effervescence des usines et la mobilisation accrue de la main-d’œuvre féminine témoignent de la vitalité et de la réussite de cette industrie, qui transforme Grasse en un acteur incontournable du monde des fragrances. Ce mélange unique de tradition artisanale et d’innovation industrielle demeure encore aujourd’hui au cœur de la renommée internationale de la ville.
A partir du milieu du XIXe siècle, les premières véritables usines à parfum sont construites. Ce phénomène est concomitant de l’amélioration des techniques d’extraction avec le développement de la distillation par injection de vapeur et la généralisation du lavage alcoolique des pommades et huiles parfumées, grâce à l’adoption de machines et de chaudières à vapeur. Les parfumeurs grassois cessent d’être des fournisseurs-grossistes de produits finis pour devenir des producteurs d’extraits odorants concentrés, destinés à la composition des parfums.
Les nouvelles techniques
Au tournant des XIXe et XXe siècles, la parfumerie de Grasse connaît une révolution profonde, portée par l’évolution des techniques de traitement des végétaux et une croissance spectaculaire du secteur. Face à ces mutations, les entreprises doivent s’adapter : agrandissement, déménagement ou reconstruction, autant de changements qui redéfinissent le paysage industriel de la ville. Parmi les innovations majeures, l’extraction par solvants volatils émerge en 1898 comme une avancée emblématique, exploitant les progrès de la chimie du pétrole. Ce procédé novateur, qui consiste à faire macérer des végétaux dans des solvants comme le benzène, le toluène ou, plus tard, l’hexane, permet de recueillir des extraits aromatiques d’une grande pureté, appelés « concrètes ». Après une étape d’affinage, ces extraits donnent naissance aux « essences absolues », des matières premières indispensables à l’élaboration des parfums modernes.
L’introduction de l’extraction par solvants transforme non seulement la productivité mais aussi l’organisation du travail. Beaucoup moins exigeante en main-d’œuvre que l’enfleurage traditionnel sur graisse, cette méthode permet de produire des quantités décuplées avec un personnel réduit. Un seul kilogramme de concrète peut remplacer près de 100 kilogrammes de pommade obtenue par enfleurage, offrant ainsi aux parfumeurs grassois une nouvelle efficacité industrielle. Cette innovation, conjuguée à une spécialisation accrue du territoire dans la parfumerie, marginalise peu à peu les autres secteurs économiques. Par conséquent, l’empreinte de cette activité devient omniprésente dans la ville et ses alentours : construction de réseaux d’eau pour alimenter usines et champs de fleurs, refonte des infrastructures routières, transformation du quartier de la gare pour accueillir de nouvelles usines, et développement d’un urbanisme marqué par les logements ouvriers et les demeures cossues des patrons-parfumeurs. Grasse s’impose alors non seulement comme un épicentre mondial de la parfumerie, mais aussi comme une ville profondément modelée par son industrie florissante.
Les cultures du parfum
Depuis sa fondation, Grasse s’est épanouie grâce à une agriculture dynamique et une gestion ingénieuse de ses ressources naturelles. La transformation de ses pentes en terrasses agricoles ouvertes sur la mer et la construction d’un réseau complexe d’adduction d’eau ont constitué des atouts majeurs dans le contexte de pénurie relative qui caractérisait la Provence. Ces ressources hydrauliques abondantes ont permis de soutenir non seulement une agriculture diversifiée, mais aussi l’essor économique de la cité. Cette vitalité agricole a posé les bases d’une tradition durable : la culture des plantes à parfum, qui s’est progressivement imposée comme une activité prépondérante aux côtés des oliviers, des vignobles, des champs de blé et des potagers.
Le XIXe siècle marque un tournant dans cette histoire. Avec l’introduction des machines à vapeur dans les usines, la production de roses connaît une spectaculaire progression, passant de 200 tonnes en 1845 à 1 000 tonnes dans les années 1880. L’essor technique, notamment avec l’arrivée de l’extraction au solvant au début du XXe siècle, transforme profondément le paysage rural. Désormais, des quantités massives de fleurs sont nécessaires pour répondre aux besoins croissants de la parfumerie. Par exemple, la récolte de jasmin bondit de 200 tonnes en 1900 à 600 tonnes seulement six ans plus tard. Les paysages de Grasse et de ses environs se métamorphosent : des cultures florales couvrent désormais l’ensemble de l’arrondissement, chaque canton se spécialisant dans une plante emblématique – la fleur d’oranger à Vallauris et Bar-sur-Loup, la violette à Tourrettes-sur-Loup, la rose à La Colle-sur-Loup, et le géranium à Pégomas.
Entre 1900 et 1930, la culture des plantes à parfum atteint son apogée, culminant avec des récoltes impressionnantes de fleur d’oranger, de jasmin, de rose, de menthe et de géranium. Cependant, cette prospérité est mise à rude épreuve dès le milieu du XXe siècle. La concurrence des productions étrangères, moins coûteuses, combinée à l’absence d’une politique de préservation, à la difficulté de trouver une main-d’œuvre saisonnière et à une pression immobilière croissante, menace sérieusement la pérennité de cette activité séculaire. La culture des plantes à parfum, autrefois au cœur du paysage agricole, semblait sur le point de s’éteindre.
Ces dernières années, cependant, une renaissance s’amorce, portée par une nouvelle génération de producteurs passionnés. Soucieux de valoriser les richesses végétales locales, ils ont su raviver l’intérêt des grandes maisons de parfumerie pour ces matières premières d’exception. L’installation de marques prestigieuses comme Dior et Louis Vuitton sur le territoire, aux côtés d’acteurs historiques tels que Chanel, illustre ce regain d’attractivité. Aujourd’hui, Grasse renoue avec son héritage tout en regardant vers l’avenir, préservant et réinventant son rôle de capitale mondiale des plantes à parfum.
ENGAGER
l’entreprise et ses salariés au travers d’une démarche inspirante et RSE.
> Emplois locaux, savoir-faire, ancrage territorial, soutien à l’agriculture locale.
STIMULER
les projets collectifs et les capacités d’innovation.
> Rencontres, afterwork, visites d’entreprises, connexion à l’écosystème.
VALORISER
les atouts territoriaux, les expérience et les membres.
> Réseaux sociaux, salons internationaux, conférences-débats, représentativité filière.