SAVOIR FAIRE : UNE EVOLUTION HISTORIQUE ET FUTURISTE

Le progrès des techniques d’extraction des matières premières naturelles à Grasse mérite qu’on évoque leurs origines.

L’histoire de la parfumerie est intrinsèquement liée à l’évolution des techniques d’extraction.

L’enfleurage, connu dès l’Antiquité, puis la distillation par entraînement à la vapeur d’eau, découverte au cours du Moyen-âge, sont, jusqu’au XIXe siècle, les deux procédés utilisés pour obtenir des pommades, des eaux et des essences odorantes.

L’usage de produits parfumés, jusqu’alors restreint, se démocratise progressivement au XIXe et surtout au XXe siècle.

Au-delà d’un bouleversement des mœurs, cet essor s’explique par les progrès réalisés au niveau industriel et technique. Désormais, on produit des parfums en grande quantité tandis que les approvisionnements en plantes à parfum ne cessent de croître sur la Côte d’Azur et nombreuses autres parties du monde.

Les parfumeurs grassois se spécialisent, dès la fin du XVIIIe siècle, dans la transformation de plantes à parfum et ils s’associent avec les chaudronniers afin de perfectionner les alambics puis les extracteurs nécessaires à leur entreprise. De même, ils améliorent les outils destinés à l’enfleurage et les méthodes organisationnelles du travail. Ainsi, jusqu’à la fin du XXe siècle, la transformation des plantes à parfum repose sur ces trois techniques : enfleurage, distillation par entraînement à la vapeur et extraction par solvants volatils.

Enfleurage et macération qualifient les techniques d’absorption des molécules odorantes par la graisse ou l’huile. Le premier, effectué à froid, concerne les fleurs les plus fragiles, jasmin et tubéreuse. Le second s’opère à chaud en mélangeant la graisse et les corolles de fleurs comme la rose dont les pétales supportent mal les variations de température induites par la distillation à feu nu. La plus célèbre des deux techniques, l’enfleurage, consiste à déposer les pétales sur une couche de graisse froide et à laisser la matière grasse emprisonner les molécules odorantes. L’opération répétée plusieurs fois, le produit obtenu est d’une qualité supérieure. Cette technique ancestrale, est améliorée et adaptée au cours du XIXe. Abandonnée après la Seconde Guerre mondiale, elle est relancée depuis peu par la société Robertet.

La distillation permet d’entraîner les molécules odorantes grâce à la vapeur d’eau. La mise au point de la machine à vapeur au cours du XIXe siècle invite de nouveau les Grassois à innover en introduisant directement de la vapeur d’eau dans l’alambic. De même, les chaudronniers grassois rivalisent d’ingéniosité pour adapter chaque alambic aux besoins de leurs clients-parfumeurs. Ainsi, entre le XVIIe et le XIXe siècle, six chaudronneries s’implantent à Grasse : G. Dumont, J. Gauthay, Hughes, Robin, Roudier et Tournaire Frères ; soit presqu’autant qu’à Paris qui s’est spécialisée dans la distillation cidricole à cette même période.

Rapidement les sociétés Tournaire (Grasse) et Deroy (Paris) deviennent les principales références pour la parfumerie. Ils exportent leur matériel dans le monde entier et sont ainsi à l’origine de nouvelles filières à l’aube du XXe siècle, notamment à Madagascar pour les cultures d’ylang-ylang et de giroflier.

Avec la découverte de l’extraction par solvants volatils – benzène puis hexane – ces constructeurs adaptent à l’échelle industrielle les recherches de Naudin et Massignon dont les brevets ont été rachetés par les Etablissements Antoine Chiris en 1879. Le principe repose sur le transfert des composés odorants depuis la matière première vers le solvant lors d’une phase de macération. Après séparation du solvant chargé et de la matière épuisée, l’extrait est concentré en éliminant le solvant par évaporation. Ce procédé aboutit à obtenir un « absolu », soluble dans l’alcool.

En ce sens, l’extraction par solvants volatils a révolutionné le monde de la parfumerie. Elle offre aux consommateurs de nouvelles créations olfactives.

De nouvelles techniques, comme l’extraction par CO2 supercritique, font leur apparition à la fin du XXe siècle. Plus récemment, la mise au point de procédés innovant d’extraction – ultrason, micro- ondes, eau subcritique, etc… – par l’équipementier grassois Tournaire laisse aujourd’hui présager queces avancées techniques ont encore de beaux jours devant elles.

Légende photo (Source : Tournaire) : Extraction de la mousse de chêne au benzène, milieu du xxe siècle – Atelier d’extraction des Etablissements Antoine Chiris, Grasse